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International Public Utility Foundation
for women's empowerment and equality
www.millennia2025-foundation.org
> Millennia2025 Solidaty-Women
Concrete action and international conference, University of Namur
Millennia2025 Women and Innovation Foundation + The Destree Institute
> 05. Proceedings
Synthèse et brefs extraits des interventions
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
collectés par Marie-Anne Delahaut
En introduction à la conférence-action internationale Millennia2025 Solidari-Femmes "Votre solidarité pour notre avenir" organisée en la Salle académique de la Faculté d'informatique de l'Université de Namur le 25 avril 2015, Marie-Anne Delahaut rappelle que les actions concrètes de la Fondation Millennia2025 Femmes et Innovation sont issues du Plan d'action de Millennia2015 pour l'autonomisation des femmes et l'égalité des genres construit avec le patronage de l'UNESCO en son siège à Paris lors de la conférence internationale organisée par l'Institut Destrée les 3 et 4 décembre 2012.
L'action concrète Millennia2025 Solidari-Femmes a pour but d'aider les femmes en situation de précarité à sortir de la pauvreté et, en conséquence, à lutter contre toutes les formes de violences morales, physiques et économiques. Notre objectif est d'établir des partenariats win-win avec l'ensemble des parties prenantes et de générer un Fonds de solidarité citoyenne afin d'améliorer le quotidien des femmes précarisées et dès lors celui de leurs enfants.
La première session d'action interpelle les "Femmes en lutte contre la pauvreté et les associations qui les représentent",
considérant les cinq mots clés
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Pour Philippe Defeyt, la fragilité d'un nombre important de femmes de familles monoparentales se situe avant dans le parcours, ce qui n'est pas suffisamment pris en compte par les politiques publiques. La première manière de s'occuper des enfants pauvres, c'est de faire en sorte qu'on ne diminue pas les revenus de leurs parents. On n'a pas fini le combat à la fois social, politique et culturel sur la nécessité pour tout le monde et les femmes en particulier de garantir leur autonomie. Les femmes en précarité ont des difficultés à garantir leur autonomie parce qu'il leur est encore plus difficile que d'autres d'accéder à un emploi et encore plus à un emploi correctement payé. Elles sont plus que d'autres soumises à la volonté de partenaires qui souvent ne voient pas d'un bon œil qu'elles prennent leur élan.
Pour Christine Mahy, les femmes précarisées nous parlent de la pauvreté en disant que c'est une privation d'accès et d'usage à une série de richesses matérielles ou privées. Elles nous parlent de la pauvreté immatérielle, citant l'accès à la culture mais surtout l'échec de l'enseignement avec elles et leurs enfants. Elles parlent du non respect de la vie privée, de l'intrusion dont elles sont victimes au nom du fait qu'elles doivent avoir recours à des systèmes de solidarité publique. Les gens en situation de pauvreté se sentent déprivés de l'essai et erreur de la vie, de pouvoir encore faire des choix en autonomie. Ils se sentent disqualifiés par la manière dont ils sont appréhendés auprès de certains services, perçus comme objets, personnes uniquement dans la pauvreté n'ayant pas d'autre compétence que celle-là, et donc vus comme nécessairement et uniquement en devoir de gérer simplement la matérialité du quotidien, pas comme sujets qui ont aussi des aspirations. Les femmes subissent une quintuple peine. Première peine, aller travailler tout en assumant son ménage et l'éducation des enfants, mais éventuellement ne pas aller travailler, être chômeuse, en formation, devoir toujours négocier : être dans la pauvreté requiert d'avoir toujours recours à toutes les débrouillardises, demande énormément de temps, d'énergie physique, d'énergie mentale, et donc cela use terriblement. Deuxième peine, gérer le ménage en fonction aussi du modèle culturel : beaucoup de femmes assument encore la totalité des tâches ménagères et gèrent toutes les négociations difficiles, beaucoup plus que les hommes. Troisième peine très importante, c'est l'ingénierie pour s'en tirer : c'est en général la femme, en situation de monoparentalité ou même dans un couple, qui va inventer les trucs et ficelles pour s'en tirer. Quatrième peine, l'hyperconditionnalité et la déprivation de la vie privée. Cinquième peine, la culpabilité des mères qui se disent : je vois que je suis en train d'éteindre les rêves de mes enfants si je n'arrive pas matériellement à organiser ma vie de telle façon qu'ils puissent encore avoir des rêves. C'est très important.
Dans n'importe quel dispositif que vous allez enclencher, public, privé ou dans leur complémentarité, l'une des conditions de la réussite est d'associer les personnes précarisées dans une participation intime à la définition des processus mis en place, conçus comme processus d'émancipation porteurs de liberté. S'ils ne sont pas construits avec les personnes vivant dans la pauvreté en tenant compte notamment de ces particularités, ils leur feront violence et elles n'y auront recours que par absolue nécessité de survie pour ne pas mourir.
Pour Paule Scutenaire la précarité n'est pas seulement dans le domaine financier, c'est une forte incertitude, une situation où on n'est pas assuré de conserver son emploi, son exploitation agricole, son outil de travail, son agrément par rapport à des normes et de là, son revenu. Les valeurs du Groupe de soutien aux agriculteurs en difficulté, sont le respect, la solidarité, l'accueil sans préjugé, la confiance dans l'autre à pouvoir se sortir de cette situation difficile, la confidentialité. La précarité en agriculture couvre aussi des difficultés de parcours de vie, de l'isolement, de la solitude, du manque de reconnaissance de la société et parfois même dans la cellule familiale, de l'estime de soi. La précarité en agriculture trouve notamment ses racines dans une administration de plus en plus prégnante, voire excessive. Et aussi une charge de travail de plus en plus lourde, souvent due à l'agrandissement de l'exploitation pour essayer de réaliser des économies d'échelle. Des situations s'installent donc insidieusement et mettent en péril l'outil de travail, la pérennité de l'exploitation. Ce n'est pas facile car la précarité reste un tabou dans le monde agricole. Parler avec des gens du métier permet aux agricultrice-teur-s en difficulté de réduire le repli sur soi, la désocialisation, la coupure d'un réseau possible de ressources ou de soutien et donc de se retrouver dans une grande détresse.
Pour Christine Gonay, l'impact des décisions prises par les politiques et la Politique agricole commune (PAC) concerne aussi bien les hommes que les femmes. Par contre, indirectement, elles auront un effet sur les femmes : on se rend compte que ces décisions politiques ont un impact sur le revenu puisque, avec les nouvelles réformes, on connaît la volatilité des prix. De ce fait-là, le revenu n'est plus certain dans l'exploitation et la femme quitte l'exploitation, pour aller chercher un revenu ailleurs, par choix. D'autre part, les politiques ont insisté sur la diversification en ferme. Les personnes qui choisissent cette solution doivent être bien conscientes du fait que cela amène un travail et des connaissances en plus pour produire, transformer et commercialiser : ce ne sont pas les mêmes métiers. Cela peut amener des revenus supplémentaires mais d'autre part une perte sociale.
Notre combat au sein de l'Union des Agricultrices wallonnes a été d'obtenir la cotitularité : nous avons des droits administratifs, comme les quotas laitiers, qui sont un droit de production, ou les droits à des primes : tout cela était au nom de monsieur car c'est son nom qui figure sur la carte d'identité de l'exploitation. Monsieur pouvait donc très bien vendre ses droits sans mettre madame au courant. Ce n'est plus le cas désormais puisque la femme est d'office cotitulaire des droits. C'est une grande victoire en Région wallonne puisque nous sommes les seules dans toute l'Europe à avoir ce droit-là. Surtout que c'est souvent la dame qui a la responsabilité de la traite, c'est donc son outil de travail qui pouvait lui être enlevé. Les agricultrices ont aussi obtenu le statut complet du conjoint aidant, égal maintenant à celui de l'indépendant, qui pourrait évoluer vers le statut d'entrepreneur.
Pour Albine Quisenaire, la société patriarcale organise la dépendance des femmes ainsi qu'un terreau pour justifier les violences faites aux femmes et l'impunité des agresseurs. Ce système organisait la violence au sein des couples. Quand on paie à deux, il est beaucoup plus difficile pour les femmes de songer à quitter leur compagnon et cela permet aussi à certains hommes d'asseoir leur pouvoir de domination : violences verbales, psychologiques et, quand l'emprise est bien installée, on peut y aller à coups de violences physiques et sexuelles. Cela concerne une femme sur quatre. L'impunité était organisée dans notre société : pénible d'aller porter plainte quand on est victime de violences, d'autant plus quand comme victime de violences conjugales. Peu de ces agresseurs sont punis : à peine 15%. Pour viol, c'est moins de 10%. Les réseaux de femmes, la sororité, la solidarité entre les femmes constituent un véritable espoir pour sortir du cycle de la violence et se reconstruire.
Pour Vien Nguyen, il faut envisager la solidarité avec toutes les femmes partout dans le monde, en particulier les femmes du Sud, qui très souvent cumulent les situations d'inégalité et d'injustice. Les OMD n'ont en fait pas tenu compte des cause profondes de la pauvreté, parmi lesquelles les relations de pouvoir inégales et structurelles entre les femmes et les hommes, qui subsistent tant dans la sphère privée que publique, et qui demeurent encore aujourd'hui la forme d'inégalité la plus répandue dans le monde. Malgré l'amélioration de leur niveau d'éducation primaire, les femmes ne contrôlent en moyenne que 20% des terres et ce alors qu'elles contribuent à plus de la moitié de la production alimentaire mondiale. De même, elles continuent à gagner en moyenne moins que les hommes à travail égal. Or l'égalité des femmes et des hommes est inscrite dans les instruments juridiques internationaux et nationaux et, à ce titre, constituent une finalité en soi.
La réalisation du droit des femmes et en particulier l'autonomisation économique des femmes est un instrument puissant contre la pauvreté mais aussi plus généralement pour contribuer au développement durable. Les Nations Unies identifient trois dimensions. La première, ce sont les opportunités économiques, la deuxième l'amélioration des statuts légaux et des droits des femmes, troisièmement c'est la participation et l'inclusion des femmes dans les processus décisionnels économiques. Premièrement, il faut dès maintenant passer de la parole aux actes. Quand on adopte une loi, il faut systématiquement se poser la question de savoir qui sera là pour la mettre en application, pour assurer son suivi, qui sera tenu pour responsable en cas de non application. Deuxièmement, les nouvelles menaces qui pèsent de manière disproportionnée sur les femmes et les filles, comme les crises climatiques, les crises financières, économiques, la montée aussi des groupes radicaux extrémistes, tout cela doit amener les Etats à investir davantage dans les secteurs d'avenir moins traditionnels comme l'environnement, les énergies, l'information et les nouvelles technologies. Le monde numérique aussi peut donner de l'empowerment, de l'autonomisation économique aux femmes, de même qu'une protection contre les violences. Troisièmement, nous constatons que les engagements politiques ne s'accompagnent pas toujours d'engagements financiers pour les concrétiser. Pour lutter contre cette tendance, il est crucial de changer de paradigme et de voir les politiques en matière d'égalité de genres non pas comme un coût à court terme mais comme un investissement à long terme. Et enfin, n'attendons pas que la volonté politique agisse : nous aussi, acteurs de la société civile, nous pouvons mettre en place nos propres projets, créer nos propres fonds citoyens, développer des synergies nouvelles, partager nos ressources, nos leçons apprises, nouvelles pratiques, les relayer au niveau des gouvernements mais aussi au niveau de la société civile au sens large, et enfin faire des recommandations aux politiques, car évidemment il ne faut pas nous contenter de protester, de critiquer, il faut mener le combat jusqu'au bout, en venant avec des solutions concrètes, avec un projet alternatif commun si un jour on veut parvenir à l'égalité 50-50.
Pour Karima Safia, l'action concrète concerne la lutte contre les crimes d'honneur, les mariages forcés, les violences intrafamiliales, tout ce qui est lié aux traditions archaïques et extrémistes. Il faut non seulement dénoncer la problématique, mais bien apporter une aide concrète, aller sur le terrain, prendre ces gens-là par la main parce qu'ils sont tellement bas psychologiquement que cela ne sert à rien de les recevoir, de leur mettre de la pommade et de les laisser repartir. Il faut les sortir de là sans pour autant qu'ils soient bannis par la famille, parce que la famille reste importante dans notre communauté, dans notre culture. Les maisons d'accueil pour femmes battues sont souvent complètes. Dans 90% des cas, les liens se recréent. Les parents acceptent que la jeune fille se marie avec un non musulman, qu'elle fasse des études, qu'elle vive librement. Celles qui portaient le voile parce qu'on les y a obligées retournent chez les parents sans voile et ils finissent par accepter. Elles font appel à notre association parce qu'elles sont victimes de rapts parentaux. Les dossiers sont ouverts, elles vont déposer plainte à la police, la police leur dit de contacter Child Focus, qui leur dit de contacter SPF Justice. Actuellement, notre association fait revenir quatorze enfants par an, ce qui implique de partir trois à quatre fois par mois, en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Le 10 mai, jour de la fête des mères, nous avons décidé de manifester devant l'Ambassade tunisienne à Bruxelles pour faire changer la législation tunisienne, pour faire bouger les responsables politiques belges afin de créer une convention bilatérale entre la Tunisie et la Belgique pour lutter contre les rapts parentaux.
Pour Miroye Kizamie, les rencontres avec les femmes africaines qui vivent ici permettent de prendre conscience du fait qu'on n'arrête pas d'envoyer de l'argent à nos sœurs, à nos mères, à la famille au pays. A un certain moment, on n'a plus envie d'envoyer de l'argent comme dans un puits sans fond, que faire alors ? Avec les femmes de la diaspora, nous développons des actions en Afrique. Nous ne venons pas comme des spécialistes, on aime beaucoup l'éducation par les pairs. On a une expertise ici, il y a une expertise là-bas, on croise les deux : que pouvons-nous mettre en place pour que cela puisse fonctionner ? Chez nous, nous avons le matériel nécessaire pour rendre l'eau potable. Les universitaires, les scientifiques sont emballés, ils ont des idées, des solutions. On leur demande de vulgariser et nous créons des formations. Nous formons quelques femmes qui elles-mêmes en formeront d'autres. Les villages sont tellement étendus qu'il n'est pas possible de former tout le monde en même temps et l'éducation par les pairs est plus performante.
On se retrouve avec un autre problème : dans les villages reculés ou dans les zones rurales et périurbaines, on apprend qu'une maman a accouché et que cela ne s'est pas bien passé, soit l'enfant soit la maman sont décédés. Ici, on va à la maternité, ou à la Maison de la maternité, puisqu'il y en a une à Namur depuis quelques années. En Afrique, on fait appel à des femmes, aux anciennes, les accoucheuses. On coupera le cordon ombilical avec les dents, ou une lame de rasoir, ou des ciseaux mais l'infection monte, chez la maman comme chez l'enfant. En fait il y a moyen ! On se rend compte que les femmes sont preneuses des projets parce qu'elles sont parties prenantes. Si nous venons avec un projet, il faut leur expliquer, comprendre ce qu'elles font habituellement et les impliquer, sans quoi cela ne fonctionnera pas. Comme Christine Mahy l'a dit, on ne peut pas mener une politique ou une action si la personne concernée n'est pas preneuse, c'est primordial. Par respect pour notre public cible, toutes les formations sont données dans la langue de l'endroit où nous nous trouvons. L'éducation par les pairs permet une émulation, un échange. C'est la même chose par rapport à une catégorie de femmes que nous avons aussi en Europe, en notamment les femmes victimes de violences. Si une femme africaine vient se présenter à la police et qu'elle ne parle pas le français, même si elle est belge, elle ne sera pas écoutée. C'est aussi une violence pour celle qui subit déjà une violence dans son domicile. Et nous aidons à établir ce pont par rapport aux différences culturelles ici.
La deuxième session d'action propose des Pistes d'actions et mobilisation des parties prenantes,
considérant les cinq mots clés
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Justin Hagena Kakumba précise que, en anglais on parle de Long Life Learning : la vie c'est une école, quand on vit, on étudie et on apprend, et quand on est ensemble, on apprend mieux encore. Parmi les causes de la pauvreté, il y a les guerres. Nous avons visité en 2013 le camp de déplacés de Mugunga, près de Goma, à l'Est de la République démocratique du Congo. Nous avons remarqué qu'il y a plein de femmes et d'enfants. Dans les camps, il n'y a pas seulement la pauvreté mais aussi la violence, les femmes se font attaquer, ce n'est pas sécurisé. La guerre est une cause directe de la misère et de la précarité au sein des populations. On n'a pas pu rencontrer les hommes qui étaient sans doute occupés à d'autres activités ou qui n'ont pas voulu savoir. Pour les formations que nous proposons, des femmes disent qu'elles ne peuvent pas commencer parce que leur mari ne l'autorise pas. Souvent ce sont des femmes issues de la communauté musulmane. Le problème de la précarité, dans certains cas, ce n'est pas la formation. La culture constitue encore une barrière. Il y a des stéréotypes aussi. Certaines femmes et filles croient que pour mener sa vie il faut d'abord avoir un mari qui ait de l'argent. Et, à l'âge avancé, on voit les conséquences de la précarité chez la femme, parce qu'elle n'a pas eu le temps de penser d'abord à elle. Quand on n'a pas d'éducation, on est limité aussi dans les activités à entreprendre. D'autre part, certains organisations donnent des formations sans donner les moyens et c'est peine perdue. D'autres donnent les moyens sans donner de formation. Il faut donc une coordination pour accompagner les femmes dans la formation et leur permettre de développer un business.
En Afrique, il y a aussi beaucoup de mariages précoces, parce que les familles le décident ainsi. Comment les aider ? Il faut commencer par former, aider et accompagner pour voir le nombre de femmes précarisées diminuer. Il faut des actions concrètes. Pour y arriver, la première solution viendra de la solidarité des personnes. La solidarité commence déjà quand on est ensemble pour une cause. Directement, il y a des personnes liées à la Fondation Millennia2025, d'autres qui vont s'y joindre : ensemble, on parle de Millennia2025 UP, en avant, en avant ! Le réseau va se renforcer et on va y arriver. Maintenant je trouve qu'il faut aussi donner une forme d'accompagnement. On renforce les capacités, on donne des moyens théoriques. C'est pourquoi je veux appeler tout le monde ici à se mettre ensemble pour voir comment on peut faire avec Millennia2025 un réseau international des personnes qui passent à l'action. C'est le message que je voulais donner, les moyens ce sont les personnes, après on pense à innover par nos idées.
Pour Jérôme Munyangi Wa Nkola, toutes les personnes qui sont intervenues ont parlé de l'inégalité sur le plan social, lui propose de parler de l'inégalité sur le plan de la santé, sur le plan biologique et des maladies, en détaillant les effets de l'ulcère du Buruli. En Afrique, on croit encore que cette maladie est une sorcellerie, un sortilège, un mauvais sort. Alors que c'est un microbe qui vit dans l'environnement. Il faut juste éduquer la population. Les femmes sont abandonnées par leur mari, on assiste à des divorces : les maris se disent qu'elle est ensorcelée, elle a une plaie qui ne va pas guérir. Qu'est-ce que nous pouvons faire ? Nous l'avons répété : la solidarité. Nous profitons une fois de plus de l'occasion pour montrer, par des cas typiques, comment cette inégalité sociale peut avoir des conséquences parce que l'homme est là, reste là, mais c'est la femme qui doit travailler, c'est elle qui doit préparer à manger, c'est elle qui entre en contact avec cette eau contaminée. Comment pouvons-nous aider ces femmes par l'autonomisation ? Comment créer des activités régénératrices, des activités génératrices de revenus, comme des petits commerces ? Comment les encadrer ? Un exemple est de donner des vélos à ces femmes invalides qui sont désormais incapables de faire une activité physique. Le travail des chercheurs est essentiel, de même que la promotion faite à leurs travaux, tant pour les progrès de la médecine que pour la solidarité et l'autonomisation des populations victimes de maladies qui pourraient être soignées, et notamment des femmes et des filles qui en sont victimes.
Véronique Inès Thouvenot a étudié, avec le Groupe de travail international Millennia2025 WeHealth, les obstacles et défis majeurs à prendre en compte par rapport aux femmes et à la santé. En est ressorti le thème clé de l'éducation. Les femmes ont besoin d'apprendre et de travailler avec leur dialecte local. Un énorme effort est nécessaire. Le coût de la santé est une autre barrière énorme, alors que la santé devrait juste être gratuite partout dans le monde pour toutes les femmes. La santé ne peut pas être payante, c'est un droit humain ! Nous travaillons à des solutions pour la santé, pour l'éducation en envisageant la durabilité. La première solution de l'étude de WeHealth en termes de d'innovation et de technologie, c'est la radio parce que toutes les femmes dans toutes les communautés écoutent la radio locale. Le pouvoir des radios locales est phénoménal. Il faut utiliser les radios locales dans les réseaux. Ces femmes qui vivent dans ces situations où leur dignité est atteinte, ou leur privauté est constamment envahie, écoutent la radio car là elles peuvent avoir des informations qui leur permettent de prendre des décisions. Radio, télévision et, bien évidemment aujourd'hui, tous les outils d'internet, tous les téléphones portables, tous les outils plus sophistiqués. Mais n'oublions pas les outils qui sont déjà en place.
Autre point stratégique, la maternité : la santé maternelle constitue un problème. Nous développons seize projets à la Fondation Millennia2025, avec nos partenaires Connecting Nurses et Connecting Midwives: sur quatre continents, en huit langues différentes, pour apporter des solutions différentes. Ce n'est pas nous qui les apportons, ce sont les personnes locales, infirmières, sage-femmes, présentées là-bas qui ont des idées, et soumettent leurs projets sur la plateforme internationale Care Challenge avec le soutien de Sanofi Aventis Group et la Fondation Sanofi-Espoir. Nous sélectionnons leurs projets en collaborant pendant un an avec elles, pour d'abord les faire connaître et ensuite les aider à développer leur projet. Nous vous présentons ce sac fuchsia créé par une infirmière du Nigéria. Au nord du Nigéria, la situation est catastrophique, c'est la guerre. Les femmes ne vont plus accoucher dans les centres de santé, elles restent chez elles. On a décrit ce matin un accouchement à la maison, ce que c'est, le couteau sale, les ciseaux qui n'existent pas. Là-bas, avec les femmes nigériennes, les infirmières fabriquent ce petit sac. Dedans, elles mettent tout ce que l'OMS recommande pour un accouchement en dehors d'une clinique. Le sac, tout contenu, coûte 22 dollars. Ce n'est pas ruineux ! Et elles s'occupent de le faire transporter dans les zones du nord du Nigéria : 75 sacs complets ont été distribués récemment à des femmes dans le nord du Nigéria. Notre idée, en plus, parce qu'on ne manque pas d'idées, c'est d'y ajouter un téléphone portable. Nous avons parlé de la santé gratuite, mais aussi de l'accès à l'information, à la communication, aux sms, dans les langues locales. Un téléphone, une femme. Une femme, un téléphone. C'est une résolution. La téléphonie mobile, ce n'est pas un luxe, c'est juste un droit humain aujourd'hui pour sauver des vies. Nous ajoutons donc ce téléphone au sac : 30 dollars de plus. 50 euros le tout.
Nous avons aussi parlé des femmes agricultrices. Les femmes agricultrices au Kosovo pataugent dans la boue, elles sont atteintes de diabète, elles ne le savent pas, elles ne sont pas diagnostiquées. Le diabète crée des plaies aux pieds et que 30% des femmes atteintes de diabète sont amputées des pieds. Avec une infirmière locale là-bas, on développe une petite brochure, en kosovar et albanais, illustrée de nombreuses photos, qui va être distribuée à toutes les femmes dans toutes les fermes du Kosovo pour qu'elles se rendent compte du fait que, lorsqu'une blessure de ce type apparaît sur leurs pieds, il faut qu'elles aillent se faire soigner. On va utiliser les radios locales, les télévisions locales, pour disséminer ces messages-là, afin de réduire drastiquement le taux d'amputation des pieds chez les femmes rurales au Kosovo. Dernier exemple, nous avons la grande chance ici d'avoir avec nous Fiona Marlow, directrice de Cloud Babies, qui elle non plus ne manque pas d'idées. Elle vient d'Australie, elle y travaille mais voyage aussi sur l'île de Timor Leste, où on parle le portugais et où la situation est dévastée concernant la santé maternelle. Fiona, physiothérapeute, a été plus loin que le téléphone portable en coupant son stéthoscope pour le raccorder à un micro et à un téléphone portable afin que le son perçu par le stéthoscope puisse être entendu par un médecin spécialiste en Australie qui formulera un diagnostic. En bricolant, Fiona arrive à le faire fabriquer pour 10 dollars. Un problème, une solution. On va travailler sur les questions de propriété intellectuelle et industrielle, de patente internationale pour que ce matériel soit entre les mains de toutes les accoucheuses du monde entier !
Anne Gadisseur accompagne les femmes qui créent ou qui veulent développer leur entreprise, sur la Région wallonne et sur Bruxelles essentiellement. Elle a l'opportunité de travailler tous les nouveaux outils, les nouvelles économies, les nouveaux business modèles. Il ne faut pas que les femmes passent à côté du digital. Le digital fait en sorte que tout va bouger très vite. Le digital business est une autre réalité où toutes les qualités féminines peuvent se retrouver. Il faut permettre aux femmes et aux jeunes filles d'avoir accès au digital. On est dans le "co-" : le collaboratif, la créativité, le durable, dans l'économie circulaire, c'est très intéressant. Les jeunes en général, aujourd'hui, sont dans ces valeurs-là, donc c'est très bien. On va plus loin que la solidarité dans le "co" : le co-développement, la co-construction, la collaboration, le co-working, le co-financement, le crowd-funding ou d'autres formes. Si on met des "co-" ensemble, on peut faire plus que de l'individuel. Que ce soit dans le business, dans la santé, le "co-" fait que l'on va partager beaucoup de réalités et on va faire beaucoup plus : 1 + 1 va faire plus que 2. On crée, mais ce n'est pas nécessairement pour bosser toute notre vie. Cela veut dire qu'il faut mettre de la valeur ajoutée, même dans notre rêve. Il faut que, à un moment donné, on puisse vendre notre entreprise, vendre notre rêve, pour arrêter et faire autre chose. Il faut absolument créer de la valeur ajoutée pour parvenir à créer une retraite. L'entreprenariat féminin doit permettre à la femme de construire sa fin de vie en ayant aussi des finances. Faites rêver vos investisseurs ! Un projet porté par les femmes doit avoir plus d'envergure : ouvrez vos ailes ! Faites rêver vos interlocuteurs et ouvrez vos ailes !
Pour Afaf Hemamou, il faut travailler sur l'énergie parce qu'elle est communicative. Quand les femmes se réunissaient dans les cours d'alphabétisation de la Maison des Femmes de Schaerbeek, c'était un bon prétexte pour se constituer des armes. Les cours d'alphabétisation leur permettaient d'être autonomes, de connaître ce qui vient dans les comptes du ménage, et ces cours sont une arme extraordinaire pour se réunir. Les cours de cuisine et les autres étaient un prétexte pour leur autonomisation.
Quand on veut, on peut. Comme volontaire pour Millennia2025, nous voulons générer de l'argent, créer un Fonds de solidarité citoyenne pour pouvoir aider les femmes précarisées. Afaf est peintre et propose d'offrir à la vente quelques-unes de ses œuvres au profit de Millennia2025, de ces femmes qui vivent dans la précarité. Ses tableaux seront présentés en ligne ou proposés aux enchères lors de notre prochaine activité.
La troisième session d'action envisage les Pistes d'actions et mobilisation des décideurs et responsables politiques,
considérant les cinq mots clés
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Marie-Anne Delahaut confirme la difficulté d'impliquer toutes les parties prenantes, notamment les entreprises qui se montrent très frileuses face à la proposition de construire des idées nouvelles pour aider les plus pauvres à sortir de la précarité en accédant notamment à la formation. Les responsables politiques répondent présents cependant et confortent notre espoir de réaliser les objectifs de pour Millennia2025 Solidari-Femmes, dont nous rappelons les mots clés : la créativité, on va inventer des idées nouvelles; si on travaille évidemment sur la solidarité, à tous niveaux, car les femmes qui sont en situation de précarité méritent le respect, avec leur action, leur vie quotidienne et leurs difficultés. Si l'on considère l'innovation, on entre dans un domaine qui touche à la recherche, au développement des technologies, afin que les personnes diplômées ou qui ont construit une connaissance engagent une partie de leur temps pour l'innovation, pour la donner et la partager.
C'est l'un des travaux en cours de Millennia2025, en collaboration avec PROMIS ® : créer une plateforme d'intelligence collective partagée, multilingue et durable. Avec tous ces éléments, on entre dans l'action : on construit des actions nouvelles qui vont mobiliser non seulement la société civile, les partenaires de toutes les couches de la société, les parties prenantes au niveau des politiques, ainsi que les partenaires financiers potentiels qui seront enfin intéressés de voir que dans notre projet, s'ils s'y intègrent, s'ils y agissent, ce sera du win-win. Le dernier mot clé, qui n'est peut-être que le début d'un chemin, c'est l'égalité que nous devons continuer à conquérir, c'est un combat au quotidien.
Nous avons dit au cours de nos travaux que le mot "combat" n'était pas le bon choix : c'est vrai car on connaît dans le monde des combats cruels, des combats pour la vie, pour la liberté, pour la nourriture, donc nous ne pouvons pas galvauder ce mot "combat". On a suggéré le mot "mobilisation" : mobilisons-nous, pour construire plus d'égalité ! Agissons, innovons, dans la solidarité, créons ! On est toutes et tous concernés. Si on parvient à faire passer ce message, nous serons gagnants et, si nous parvenons à agir, nous aurons fait notre devoir.
Pour Hélène Ryckmans, il faut faire avancer l'égalité de genres par l'action politique. On a des actions à prendre pour s'opposer aux reculs sociaux dans les politiques d'emploi, les politiques d'éducation, dans nos politiques sociales. L'école ne joue plus son rôle d'ascenseur social. C'est un outil et un instrument fondamental pour l'émancipation des individus et en particulier les filles. Il faut pouvoir prendre ces décisions en restant bien en relais avec les associations, les réseaux et la force du collectif.
Premier axe, la créativité : il faut être persistantes. Il faut approfondir les politiques publiques en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut connaître aussi ses racines, avoir l'horizon en perspective. Connaître ses racines, c'est notamment l'histoire : l'histoire des combats sociaux, l'histoire du féminisme, et l'histoire notamment de Pékin 1995, qui était déjà la troisième conférence pour les femmes, voici 20 ans maintenant. Rappeler l'importance d'agir de manière complémentaire entre les politiques, la société civile et les organisations internationales. Il faut être persistantes pour aller au delà de ce vernis "genre" dont on pare maintenant l'ensemble des politiques. Quand on dit, en politique, en Région wallonne ou à la Communauté française ou au Fédéral qu'il faut avancer avec une approche de gender mainstreaming, on doit faire de l'égalité transversalement, il faut aller au delà de ce slogan et vraiment renforcer la formation des administrations, la formation de tous les élus, la formation des décideurs pour qu'ils sachent de quoi ils s'agit, et qu'ils ne puissent pas dire que les questions d'égalité sont bien prises en charge ou dire qu'ils ne savent pas comment faire.
Deuxième axe : la solidarité, les solidarités. Dans un monde de plus en plus inégalitaire, un monde de pouvoir acharné et de lutte de pouvoirs, il faut oser construire les solidarités. Il faut pouvoir construire cette solidarité dans un monde ensemble, dans un monde de justice et dans un monde de paix parce que, là aussi, nous sommes confrontés à la montée des violences. Moi je demande des hommes pro-féministes, parce que se dire qu'on va travailler avec les hommes et se retrouver dans des relations de pouvoir, dans lesquelles les hommes soit ne savent pas de quoi il s'agit, soit reprennent l'emprise sur nos vies même dans le monde politique, on doit y être attentives. Construire les solidarités dans les intelligences citoyennes. Nous sommes à la croisée des chemins pour une mobilisation très forte et un engagement de plus en plus fort, dans le concret, autour des violences faites aux femmes. Nous sommes maintenant dans un momentum où cette question des violences, de la prise en charge des violences, de la lutte contre l'impunité, avec surtout la volonté de faire passer le message du NON à la violence, c'est un enjeu actuel. Dernier axe, les innovations : nous devons activer l'innovation du travail politique.
Gwenaëlle Grovonius travaille notamment sur la question des violences sexuelles faites aux femmes dans le cadre des conflits et comme arme de guerre : il s'agit donc de crimes contre l'humanité. Le patriarcat dominant au Congo continue d'empêcher les femmes et leurs enfants de réintégrer la société et nombreuses sont celles qui vont quitter leur village pour survivre, lorsqu'elles ont connu des situations de violences sexuelles : elles se retrouvent alors livrées à elles-mêmes dans des villes. Deuxième constat important en lien avec cette situation de violences sexuelles, c'est que les enfants nés de ces viols sont souvent considérés comme un danger pour l'avenir parce que, pour la majorité, ils ne sont tout simplement pas déclarés. Au Congo, ils n'ont donc pas de nationalité. Quel est l'avenir de ces enfants ? C'est une bombe à retardement abandonnée là. Ces enfants sont sans repère. Les viols sont banalisés. Ils sont reconnus comme une arme de guerre quand c'est perpétré dans le cadre de conflits, mais le viol reste cependant, dans la majorité des cas, impuni. L'impunité reste un fléau majeur au Congo face à cette problématique, ce qui permet évidemment aux hommes qui sont les auteurs de tels faits de pouvoir continuer à agir en toute impunité et leur permet de croire qu'ils sont autorisés à utiliser les femmes comme bon leur semble et à avoir des relations sexuelles non consenties quand ils en ont envie sans que cela ne puise avoir de conséquence pour eux. Nous devons continuer à être vigilants par rapport à notre gouvernement également, à interroger nos ministres, à savoir quelles sont les actions entreprises par notre gouvernement, par nos ministres, nous devons continuer à les harceler pour que la Belgique s'investisse de manière très active dans la lutte contre l'impunité.
Représentée par Kristel Karler, la ministre de l'Emploi et de la Formation du Gouvernement wallon Eliane Tillieux insiste sur le fait que des pas supplémentaires significatifs doivent être franchis en termes d'égalité des chances, de dépassement des clichés, dans l'innovation sociale et économique, et surtout dans la réponse multiple aux évolutions rapides de l'économie et donc du marché de l'emploi. Pour vaincre les discriminations, les préjugés qui subsistent dans tous les domaines, il faut agir concrètement, sensibiliser largement, hommes, femmes, homosexuels, personnes étrangères : chacun doit vivre dignement et avec les mêmes droits. Il faut se doter d'outils pour objectiver les inégalités en vue de mieux les combattre. Le Plan global Egalité est une véritable gouvernance de l'égalité qui a répertorié les engagements pris dans chacune des compétences du gouvernement. Le premier Plan Gender Mainstreaming a été approuvé dernièrement par le gouvernement wallon. Ce Plan porte sur l'engagement de chacun des ministres à intégrer la dimension Genre dans au moins deux de ses politiques. Une première mesure vise à soutenir la formation des travailleuses en titres-services afin qu'elles développent de nouvelles compétences, en vue d'une réorientation ou d'une évolution professionnelle. La deuxième mesure encourage la participation des femmes au sein des secteurs d'activités professionnelles où elles sont sous-représentées. On comptabilise encore un écart salarial de 25% entre les femmes et les hommes pour les mêmes fonctions.
Comment expliquer d'ailleurs que les femmes représentent près de 80% de diplômées dans les filières qui touchent à l'action sociale ? Et elles ne sont plus que 15 à 30% dans les secteurs touchant au commerce, aux transports, aux mathématiques, aux statistiques. Comment expliquer encore qu'elles soient minoritaires dans les statuts d'indépendantes, dans les fonctions de cheffes d'entreprises ou de cadres dirigeants ? En matière de formation et d'emploi encore, la valorisation de la gestion de la diversité comme facteur d'intégration et de création de valeur au sein des entreprises et des organisations, ainsi que la lutte contre la discrimination à l'embauche sont une priorité. Pour diminuer les phénomènes de discrimination lors des recrutements, le Forem met à la disposition des entreprises des canaux de diffusion des offres d'emplois qui font l'objet de contrôles de qualité stricts quant au respect des obligations légales. Le Plan Cigogne III dédicacé au secteur de l'enfance permet l'augmentation du nombre de places dans les structures d'accueil d'enfants participe à la lutte contre les inégalités, et à la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle, qui est encore trop souvent l'affaire des femmes.
La Session plénière de cloture inclut la deuxième session d'intelligence collective,
considérant les cinq mots clés
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Le Vice-président du Gouvernement wallon, ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et bourgmestre de Namur Maxime Prévot rappelle que, à l'échelle mondiale, on estime que 70% des pauvres sont des femmes. Les femmes monoparentales courent un risque accru de précarité lié à leur situation sur le marché du travail. Elles sont moins nombreuses à avoir un emploi, un emploi qui en outre est souvent moins bien rémunéré, moins stable et plus souvent à temps partiel. Les familles, à l'échelle de ces deux dernières décennies, ont évolué dans leur composition à un rythme bien plus soutenu que l'évolution de nos lois et décrets qui, dans une série de cas, sont dépassés et ne prennent pas en compte les réalités du vécu des familles monoparentales. Lutter contre la précarisation des familles monoparentales, corriger les inégalités de droit à leur égard et apporter une réponse genrée à la précarité se révèle d'autant plus équitable et efficace que, derrière la pauvreté féminine, il y a aussi bien souvent beaucoup de pauvreté infantile, estimée à un enfant sur cinq. Lutter contre la précarité au féminin, c'est casser plus sûrement le cercle vicieux de la pauvreté et s'attaquer à cette pauvreté intergénérationnelle, prévenir la pauvreté de demain, celle des adultes de demain. Les Résolutions de la Conférence sur le statut des femmes des Nations Unies organisée à Pékin ont prévu, voici tout juste vingt ans, que la dimension de genre soit intégrée dans l'ensemble des politiques. La Belgique a été le premier pays au monde à adopter un plan de gender mainstreaming, il est aussi prévu de passer au screening toutes les décisions du gouvernement au travers d'un gender test.
J'ai demandé à procéder à une étude juridique destinée à faire un screening de toute la législation wallonne et fédérale, y compris celle de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour voir où il subsistait des poches de discrimination à l'égard des familles monoparentales, que ce soit en droit du travail, en matière de chômage, de pension alimentaire, en matière fiscale, de logement, en accueil de la petite enfance. Le but est d'éviter que ces femmes, et ces hommes aussi, à la tête de familles monoparentales soient des citoyens doublement pénalisés, des citoyens de seconde zone. La volonté est de travailler en étroite collaboration avec les acteurs et les associations de terrain. Je salue particulièrement le fait que l'initiative de Millennia2025 Solidari-Femmes émane du privé, du privé associatif, de ce terreau si fertile dont l'inventivité, l'innovation et la créativité n'ont d'égales que l'enthousiasme et le dynamisme. Je remarque également à quel point la problématique a été finement cernée, ce qui est toujours une condition essentielle à la mise en place de solutions efficaces. Cette idée de fonds de solidarité alimenté en grande partie par les fournisseurs de biens et services est un challenge qui pourrait effectivement fournir une réponse à ce phénomène de déprivatisation matérielle dont les sociologues parlent tant à propos des familles monoparentales. Ce phénomène qui pousse les familles monoparentales à se priver spontanément, d'elles-mêmes, d'une série de choses pourtant nécessaires. Je vous félicite aussi et je vous rejoins totalement dans l'identification des publics cible, et donc des bénéficiaires de ce fonds. Les familles et particulièrement les femmes monoparentales dont je viens de parler longuement, les femmes âgées que j'ai également évoquées en introduction, les femmes migrantes ou d'origine immigrée et les femmes en situation de handicap. Autant de groupes de femmes qui souffrent en fait d'une double discrimination.
En tant que ministre de l'Egalité des chances et des droits des femmes, je peux contribuer à soutenir modestement, dans le cadre des moyens disponibles, une initiative qui se veut essentiellement privée mais à large fondement associatif évidemment. En outre, vous avez tout mon soutien pour ce fonds que vous envisagez en quelque sorte comme une sorte de Cap 48 sur le long terme à destination des familles monoparentales. Je reste fondamentalement persuadé que ce dont l'être humain a avant tout besoin c'est de la dignité et du respect. Et, à mon sens, ce fonds Millennia2025 doit être un fonds d'entraide qui donne un coup de pouce vers plus d'autonomie, en évitant le travers d'un enlisement possible dans une forme de dépendance perpétuelle ou d'assistanat. En outre, et c'est mon deuxième commentaire, toute aide financière suppose aussi des critères d'attribution et un certain contrôle.
Je souscris à la déclaration de Madame Irina Bokova, la Directrice générale de l'UNESCO, dans son intervention lors du lancement de votre Plan d'action pour l'autonomisation des femmes de Millennia2015, qui s'est donc tenu à Paris en 2012 : je suis en effet persuadé comme elle que "l'égalité des genres profite à tout le monde et pas seulement aux femmes. C'est un accélérateur des transformations politiques, économiques et sociales qui décuple les forces".
Anne Nègre confirme que nous allons continuer à travailler ensemble, en même temps sur la Convention d'Istanbul et les violences faites aux femmes. L'inégalité de fait entre les hommes et les femmes est toujours présente. En réalité, nous sommes imprégnés, façonnés par une culture dont on veut toujours, dans de nombreuses sociétés, nous faire croire qu'elle est de "nature". A partir de là, nous avons les fondamentalismes religieux qui s'y greffent et donc tous les drames qui se poursuivent dans le monde. La marche vers l'émancipation se fait au XIXème siècle, par l'instruction. Evidemment, quand des femmes et des fillettes commencent à apprendre à lire et à écrire, cela leur donne un début d'autonomie grâce au salariat, qui leur permet enfin de quitter, légèrement, la tutelle des maris et des pères. Le développement d'échanges et d'informations dont on a parlé, c'est ça qui a été le ferment de tout, comme par exemple les journaux féminins, la création d'associations ou de fédérations. Aujourd'hui, on a des problèmes majeurs avec des enfants qui ne sont pas déclarés à l'état civil et, ce qui est beaucoup plus grave, c'est que, parmi eux, il y a beaucoup de petites filles. Si le pays ne joue pas le jeu, les femmes, parce qu'elles n'ont pas d'argent, ne peuvent le faire car elles ne peuvent obtenir cette déclaration d'état civil, considérant la complexité d'un avocat, les procédures lourdes et difficiles.
L'égalité de droits, mais l'inégalité de fait : on en est toujours là, dans tous les pays, aucun n'est parfait, même dans les pays scandinaves. Les politiques ont pris conscience que la société civile est fondamentale, existentielle, et qu'on ne pouvait plus l'esquiver. Qu'est-ce qu'un idéal démocratique dans un monde qui exclut aussi massivement les femmes des prises de décisions ? Dans toutes les situations, à situation égale soi-disant, les femmes sont plus pauvres, moins employées, plus malades. Si l'égalité de droits est une nécessité impérative pour aboutir à une égalité de fait, elle n'est pas suffisante sans une politique volontariste. Quelles sont les actions ? Nous avons par exemple une action extrêmement importante, c'est le Programme transversal du Conseil de l'Europe sur l'égalité entre les femmes et les hommes lancée en 2012 avec une approche globale et intégrée sur cinq points essentiels : combattre les stéréotypes de genre et le sexisme, prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes, garantir l'égal accès à la justice, assurer une participation équilibrée des femmes à la décision politique, intégrer dans toutes les politiques une démarche soucieuse de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Plus vous faites de la politique et plus vous êtes loin de la base, vous êtes dans les appareils, vous n'avez plus de contacts avec les gens, donc vous vous appauvrissez. Les politiques ont donc un besoin impératif. Je compte beaucoup sur Marie-Anne pour nous mettre en place des stratégies importantes, des méthodologies pour nos OING. Pour lutter pour leurs droits et contre les préjugés, le sexisme et les stéréotypes, il faut rendre la femme plus visible. Les femmes sont moins exclues aujourd'hui du monde du travail malgré des disparités fortes selon les pays, elles sont donc incluses dans le système du travail.
La discrimination commence avec l'inclusion. Vous n'êtes pas discriminés si vous n'êtes pas dedans. Les femmes sont discriminées parce qu'elles sont femmes, et c'est redoutable parce que vous êtes toujours femme du début à la fin de votre vie, vous ne pouvez pas changer. Vous êtes longtemps moins diplômées même si maintenant ce n'est plus autant le cas. Toujours des salaires plus bas que les hommes, des progressions de carrières faibles, et à chaque niveau des plafonds non pas de verre mais de béton armé. C'est à tous les niveaux, on a pu le démontrer. A tous les strates, à tous les moments de progression de carrière, le béton !
Il faut reconnaître que les femmes sont un facteur de dynamisme et agir en conséquence. Les femmes sont un paramètre essentiel pour le développement économique. On sait que les pays égalitaires sont les plus performants. Une étude montre que les cadres dirigeants considèrent la résilience - c'est-à-dire l'aptitude à relever des défis et à les transformer - comme une opportunité absolument incontournable pour être pertinent. Pour eux, l'égalité est un défi. Ce sont des arguments formidables qui montrent que nous sommes, nous les femmes, un facteur pour gagner de l'argent. Pas pour en dépenser, mais pour en gagner. Il faut donc faire des formations pour les politiques, toutes tendances confondues. Certaines ont été données dans le gouvernement français sur l'égalité, parce que ces messieurs n'y connaissent rien, et beaucoup de dames non plus, il faut le reconnaître. Il faut former les managers publics, les cadres, les non-cadres, il faut former tout le monde à ces problématiques, parce que tout le monde les ignore. Alors on se demande pourquoi ceux qui nous gouvernent ou dirigent les entreprises ne mettent pas enfin en application, de façon dynamique, pertinente et efficace, à tous niveaux, des politiques adéquates en matière d'égalité ?
Les sessions d'intelligence collective organisées au cours de la journée du 25 avril
avec le Réseau international de Chercheur-e-s volontaires de Millennia2025
ont permis de produire le Memorandum et la Résolution de Millennia2025 Solidari-Femmes
Adrénaline Superclub chante "Il n'existe que des dames"
créée par François Santin (chant) et Karim Sarton (guitare et piano)
pour Millennia2025 Solidari-Femmes
Paroles :
Elle n'est pas venue au monde sous une bonne étoile
N'a pas eu la chance de grandir dans l'opulence
Ou simplement vivre sa vie sans aucune faille
Et se creuse le fossé, parfois même un précipice
Mais elle porte, soulève le monde, comme toi,
il n'y a pas de sous-fées.
Refrain :
Il n'existe que des dames dignes de ce nom,
Mondaines ou s'épuisant, sans pouvoir quitter le fond.
Il n'existe que des dames, mannequins ou migrantes,
Infirmes, mutilées, trop âgées pour se dresser.
Il n'existe que des dames dignes de ce nom...
Murées dans le silence, par crainte d'être mal jugées
Par tous ces regards qui les passent à l'étamine.
La parole n'est jamais laissée, et se nourrissent les préjugés.
Mais bon sang, ce sont nos égéries, il est temps de refaire le film
Pour que toutes les mains s'unissent et consolident à la racine.
Refrain :
Car il n'existe que des dames dignes de ce nom,
Et quand les étoiles pleuvent, elles laissent dans leurs sillons
Des poussières d'étincelles, qu'on pourrait prendre à la pelle,
Les semer, les départager, pour plus d'égalité
Pour toutes ces dames qui portent sur le dos, le monde, la vie,
ce sont nos égéries
Il n'existe que des dames dignes de ce nom (x 8)
Refrain 1, Fin.
Photos : Julien Destatte (c) Millennia2025 Women and Innovation Foundation
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