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Session plénière de clôture
Mémorandum de décisions
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Anne Nègre
Docteure en Droit, Avocate au Barreau de Versailles, spécialiste du droit du travail et des discriminations, Médiatrice; Chargée d'enseignement à l'Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne; Experte Egalité entre les Femmes et les Hommes de la Conférence des OING du Conseil de l'Europe à Strasbourg
Extraits
Même si je ne vous connais pas beaucoup, j'ai envie de vous dire chers amis, parce que je me sens en conformité avec tout ce que vous avez dit, tout ce que vous faites. Et, comme impliquée moi-même dans le monde associatif depuis toujours, je ne puis que vous remercier de m'avoir invitée. J'ai toujours apprécié le dynamisme et la créativité de Marie-Anne et nous allons essayer de monter, pour la Conférence des OING (Organisations internationales non gouvernementales) du Conseil de l'Europe, un événement où elle mettra en avant la prospective et la stratégie que l'on peut utiliser dans toutes les conférences accréditées auprès du Conseil de l'Europe. On va continuer à travailler ensemble, en même temps que sur la Convention d'Istanbul et les violences faites aux femmes (www.millennia2015.org/INGO_COE_M2025_Strasbourg_2015_06_24).
Les démocraties les plus avancées en matière de droits humains connaissent toutes ce curieux paradoxe que les droits fondamentaux sont garantis par un arsenal juridique conséquent tant national qu'international. Mais l'inégalité de fait entre les hommes et les femmes sont toujours présentes. En réalité, nous sommes imprégnés, façonnés par une culture dont on veut toujours, dans de nombreuses sociétés, nous faire croire qu'elle est de "nature". A partir de là, nous avons les fondamentalismes religieux qui s'y greffent et donc tous les drames qui se poursuivent dans le monde. Les représentations de la personne sexuée sont clairement identifiées. Nous savons aussi que, si l'homme est plus grand et plus fort, c'est parce qu'il avait une alimentation différenciée par rapport aux femmes et que les femmes sont en train de grandir. Donc, bientôt, nous seront tous identiques, vous voyez ce que je veux dire.
L'histoire enseignée a complètement oublié les femmes, nous avons l'honneur et le privilège de ne figurer que sur les fresques de la Sorbonne ou d'autres magnifiques endroits mais les femmes ont été totalement niées et oubliées dans l'histoire, et ça continue ! J'ai regardé des livres d'histoire récemment, c'est inadmissible.
La marche vers l'émancipation se fait au XIXème siècle, par l'instruction. Evidemment, quand des femmes et des fillettes commencent à apprendre à lire et à écrire, c'est mieux : cela leur donne un début d'autonomie grâce au salariat, qui leur permet enfin de quitter, légèrement, la tutelle des maris et des pères. Le développement d'échanges et d'informations dont on a parlé, c'est ça qui a été le ferment de tout, comme par exemple les journaux féminins, la création d'associations ou de fédérations. J'en suis issue puisque mon mouvement, la Fédération internationale des Femmes diplômées des universités, s'est créée en 1919 et nous sommes présentes dans plus de 70 pays et accréditées auprès des agences de l'ONU.
Rappelons que les Américaines ont lutté pour l'abolition de l'esclavage. Au moment de la Guerre de Sécession en 1865, des hommes noirs ont réussi à obtenir une certaine citoyenneté, avec des tas de bémols mais ils l'ont eue. Aucune femme, et certainement pas les femmes blanches, ne l'a obtenue. C'est là le début du mouvement féministe, organisé avec force et puissance, et qui a traversé l'Atlantique. Grâce aux femmes qui étaient dans les universités, des échanges ont pu avoir lieu et c'est ainsi que tout a commencé vraiment. Le terme de "suffragette", vous le savez, est créé en Grande-Bretagne en 1903 : elles militent pour obtenir le droit de vote au mépris de leur vie, certaines ont été tuées.
Il faudra attendre bien longtemps, le dernier quart du siècle dernier pour qu'enfin il y ait des avancées significatives et générales dans les pays européens, occidentaux - je ne vais pas plus loin. Signature libre d'un contrat, détention d'un compte en banque, succession égalitaire et d'autres éléments significatifs comme "à travail égal, salaire égal" : cela nous semble banal mais on constate que ça ne marche pas. Et vous savez que le Traité de Rome en 1957, à l'origine de l'Union européenne, prévoyait, pour passer à sa seconde étape, que tous les points soient respectés. Le seul qui ne l'a pas été, c'est l'égalité entre les femmes et les hommes. C'était déjà l'égalité de traitement, cela a déjà été bafoué, et ça a continué.
Aujourd'hui, on a des problèmes majeurs avec des enfants qui ne sont pas déclarés à l'état civil et, ce qui est beaucoup plus grave, c'est que, parmi eux, il y a beaucoup de petites filles. Quand vous n'êtes pas déclaré à l'état civil, certains pays permettent des déclarations secondaires parce que vous n'avez pas accès à l'éducation, aux soins, au mariage, à rien. On sait maintenant que les mères qui éduquent ces enfants coûtent beaucoup plus cher à la société puisque il y aura des générations de pauvres et de malheur. Donc des pays ont compris qu'il devait être possible de faire des déclarations secondaires, soit à l'entrée à l'école, soit à d'autres moments de la vie, notamment à la majorité. Mais, si le pays ne joue pas le jeu, les femmes, parce qu'elles n'ont pas d'argent, ne peuvent le faire car elles ne peuvent obtenir cette déclaration d'état civil, considérant la complexité d'un avocat, les procédures lourdes et difficiles.
L'égalité de droits, mais l'inégalité de fait : on en est toujours là, dans tous les pays, aucun n'est parfait, même dans les pays scandinaves. La Société des Nations puis l'ONU avec ses agences et ses traités internationaux donneront une assise juridique qui est une base absolument incontournable : la Convention sur les droits politiques des femmes en 1952, la parité en France en 1999, 1957 la Convention sur la nationalité de la femme mariée, je pourrais vous en citer d'autres. Celle qui est la plus importante, grâce à la Commission sur le statut de la femme créée par Eleaonor Roosevelt en 1948 avec l'ONU, c'est la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la convention CEDAW (www.un.org/fr/women/cedaw/ ). Son protocole additionnel créera un comité où les OING pourront déposer des rapports. Ces Shadow reports, déposés en même temps que les rapports des Etats tous les quatre ans, sont fondamentaux. Les politiques ont pris conscience que la société civile est fondamentale, existentielle, et qu'on ne pouvait plus l'esquiver. C'est un point très important et je continuerai à vous le montrer tout à l'heure. Une nouvelle ratification a eu lieu avec la Convention d'Istanbul en 2014 (www.coe.int/en/web/istanbul-convention/home) et, là aussi, un comité d'experts va être élu en mai 2015, le GREVIO (www.coe.int/en/web/istanbul-convention/grevio), ce sera intéressant.
Malgré le progrès, il s'agit toujours aujourd'hui de se poser la question suivante : qu'est-ce qu'un idéal démocratique dans un monde qui exclut aussi massivement les femmes des prises de décisions ? Dans toutes les situations, à situation égale soi-disant, les femmes sont plus pauvres, moins employées, plus malades. A chaque fois et dans tous les pays, c'est identique. Pourtant les hommes n'ont pas beaucoup de craintes à avoir, nous détenons très peu des richesses mondiales, quasiment un ou deux pourcents, il n'y a pas beaucoup de risques pour eux.
Si l'égalité de droits est une nécessité impérative pour aboutir à une égalité de fait, elle n'est pas suffisante sans une politique volontariste. Quelles sont les actions ? Nous avons par exemple une action extrêmement importante, c'est le Programme transversal du Conseil de l'Europe sur l'égalité entre les femmes et les hommes (www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/02_GenderEqualityProgramme/Stratégie%20du%20Conseil%20de%20l'Europe%20pour%20l'égalité%20entre%20les%20femmes%20et%20les%20hommes%202014-2017.pdf), lancée en 2012 avec une approche globale et intégrée sur cinq points essentiels : combattre les stéréotypes de genre et le sexisme, prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes, garantir l'égal accès à la justice, assurer une participation équilibrée des femmes à la décision politique, intégrer dans toutes les politiques une démarche soucieuse de l'égalité entre les femmes et les hommes. En entendant Monsieur Prévot, on se rend compte que Namur est en train de l'appliquer. Mais on ne fait que l'appliquer, on commence, on y réfléchit, on fait des audits, mais actuellement ce n'est pas encore appliqué. Le jour où tous les pays se donneront la main et comprendront enfin que c'est essentiel, là nous aurons un progrès. Il faut être patient.
Qu'est-ce que le Conseil de l'Europe ? Beaucoup d'entre vous savent que c'est la plus ancienne institution de l'Europe, créée en 1949 sur quarante-sept pays, première institution européenne. Elle est composée d'un quadrilogue, quatre piliers : le Comité des ministres, l'Assemblée parlementaire qui réunit des délégués des Parlements nationaux - ça n'a rien à voir avec le Parlement européen -, le Congrès des Régions et une spécificité qui est la société civile considérée comme une institution, comme un pilier de ce quadrilogue et la Conférence des OING dont j'ai l'honneur d'avoir été élue experte Egalité (www.coe.int/fr/web/ingo/gender-equality-expert). C'est, à ma connaissance, le seul endroit au monde où la Conférence des Organisations internationales non gouvernementales (www.coe.int/fr/web/ingo) est considérée comme une institution, c'est extrêmement important. On lui dit "si vous n'êtes pas efficace on se séparera de vous", mais comme vous le savez, les politiques, sans nous, n'existent pas. J'ai été politique, je m'en rends compte encore mieux que d'autres, à un moment ou à un autre, il faut bien qu'ils s'abreuvent d'idées. Plus vous faites de la politique et plus vous êtes loin de la base, vous êtes dans les appareils, vous n'avez plus de contacts avec les gens, donc vous vous appauvrissez. Les politiques ont donc un besoin impératif. Donc je compte beaucoup sur Marie-Anne pour nous mettre en place des stratégies importantes, des méthodologies pour nos OING.
Pour lutter pour leurs droits et contre les préjugés, le sexisme et les stéréotypes, il faut rendre la femme plus visible. Les femmes sont moins exclues aujourd'hui du monde du travail malgré des disparités fortes selon les pays, elles sont donc incluses dans le système du travail. La discrimination commence avec l'inclusion. Vous n'êtes pas discriminés si vous n'êtes pas dedans. Les femmes sont discriminées parce qu'elles sont femmes, et c'est redoutable parce que vous êtes toujours femme du début à la fin de votre vie, vous ne pouvez pas changer. Vous êtes longtemps moins diplômées même si maintenant ce n'est plus autant le cas. Toujours des salaires plus bas que les hommes, des progressions de carrières faibles, et à chaque niveau des plafonds non pas de verre mais de béton armé. C'est à tous les niveaux, on a pu le démontrer. A tous les strates, à tous les moments de progression de carrière, le béton !
Reconnaître que les femmes sont un facteur de dynamisme et agir en conséquence. Depuis 1991, l'OCDE a constaté que les femmes étaient un facteur de dynamisme. Les études sont toutes concordantes aujourd'hui, pour montrer que les femmes sont un paramètre essentiel pour le développement économique. On sait que les pays égalitaires sont les plus performants. C'est nouveau, ces études, donc les politiques commencent à intégrer ce paramètre. On sait aussi que l'inégalité n'est pas une fatalité et que, en changeant certaines politiques, on y arrivera. Les entreprises publiques ou privées, les administrations, ont toutes les ressources en interne : leur personnel. Ils ont tous les clés d'évaluation, des bilans d'évaluation. Simplement, aujourd'hui, c'est hiérarchique : vous êtes copain avec le patron, vous grimpez. Pour intégrer la diversité et donc pour intégrer les femmes, ils sont obligés de se bouger. Les études montrent encore que, grâce à ces nouvelles façons d'intégration, tout le monde est gagnant : les hommes, les femmes, et on est plus performant. Donc, la performance, c'est de l'argent, si on gagne de l'argent, on est bénéficiaire, si on s'enrichit, tout le monde est content. C'est gagnant-gagnant, c'est un cercle vertueux.
Les entreprises commencent à le savoir, parce que quand vous savez qu'Accenture - la plus grosse entreprise de conseil au monde - rend des études pour montrer que les cadres dirigeants considèrent que la résilience - c'est-à-dire l'aptitude à relever des défis et à les transformer - est une opportunité absolument incontournable pour être pertinent, on peut considérer que, pour eux, l'égalité est un défi. Dans une autre enquête conduite auprès d'entreprises parmi les cinq cents plus grandes entreprises américaines, le classement de fortune montre que les sociétés au management le plus féminisé ont une performance financière plus élevée de trente-sept pourcents. Ce sont des arguments formidables qui montrent que nous sommes, nous les femmes, un facteur pour gagner de l'argent. Pas pour en dépenser, mais pour en gagner.
Il faut donc faire des formations pour les politiques, toutes tendances confondues. Certaines ont été données dans le gouvernement de François Hollande sur l'égalité, parce que ces messieurs n'y connaissent rien, et beaucoup de dames non plus, il faut le reconnaître. Il faut former les managers publics, les cadres, les non-cadres, il faut former tout le monde à ces problématiques, parce que tout le monde les ignore. Donc, si même on est volontaire et qu'on a envie d'aller de l'avant, on ne sait pas comment faire. Cette problématique existe et il faut appliquer toutes les innovations comme pour les "temps des villes". Qui connaît ici les temps des villes ? Les Allemandes et les Italiennes, fin des années 1990, on leur a dit "vous allez travailler maintenant". Elles ont répondu que les heures de travail sont incompatibles avec les horaires des enfants. Donc commencent à réfléchir à ces problématiques sociologues, démographes, philosophes, etc, sur ce qu'on a appelé le temps de villes. Le temps était à dieu, puis le temps était aux familles et le temps est devenu à nous, par l'individualisation. C'est très passionnant. Et on a décidé qu'il était possible d'améliorer les choses. La Convention Innsbruck a été ratifiée par beaucoup de gros organismes. Exemple du temps des villes : un bouchon considérable se forme à Namur tous les jours à 9 heures. On se met tous autour d'une table et on essaie de voir pourquoi. C'est tout simplement parce que l'université, la banque et l'hôpital entrent au même moment à 9 heures. On essaie de décaler les horaires des uns et des autres, et tout le monde fait des économies. Il n'y a plus d'embouteillage, on fait une économie de bus et tout le monde y gagne. De même, au moment des rentrées scolaires, comme nous, toutes les mamans, on assure à un moment la crèche, le tennis et toutes les activités des enfants, c'est dramatique : il faut aller à dix endroits différents. On met tout au même moment, de 16 heures à 22 heures, et on organise des crèches. J'étais dans l'opposition dans ma ville mais j'ai pu obtenir qu'on le fasse, tout le monde est gagnant : le personnel qui est ravi, les parents parce que tout est dans le même temps, les enfants qui s'amusent, tout va bien.
Alors on se demande pourquoi ceux qui nous gouvernent ou dirigent les entreprises ne mettent pas enfin, de façon dynamique, pertinente et efficace, à tous niveaux, des politiques adéquates en matière d'égalité ?
> Vidéo
Photos : Julien Destatte (c) Millennia2025 Women and Innovation Foundation
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