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International Public Utility Foundation
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Concrete action and international conference, University of Namur
Millennia2025 Women and Innovation Foundation + The Destree Institute
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Session plénière de clôture
Mémorandum de décisions
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Maxime Prévot
Vice-Président et Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine du Gouvernement wallon; Bourgmestre de Namur
Extraits
Bonjour à chacun et à chacune, je salue singulièrement Madame la Présidente et administratrice déléguée de la Fondation Millennia2025 évidemment, Madame la Représentante de la Ministre, je souhaite la bienvenue à Madame la Députée fédérale, Madame la Députée wallonne et Conseillère communale, Madame la Députée honoraire, Monsieur le Directeur de l'Institut Destrée et Madame la Cheffe de Cabinet de l'Echevine en charge de l'Egalité des chances à la Ville de Namur, et puis toutes et tous, chacun et chacune en vos titres et qualités que j'imagine fort nombreux.
Ne nous voilons pas la face, si je n'ai pas eu l'occasion d'être à vos côtés depuis ce matin et que je ne pourrai pas rester jusqu'à la fin de vos travaux, c'est notamment parce que j'ai été retenu à l'Elysette pour un exercice peu agréable de ce qu'on appelle dans le jargon le "conclave budgétaire" : bref, il nous faut retrouver des liards, et dans de grandes proportions puisque c'est par centaines de millions d'euros que nous devons faire un effort de réduction de nos dépenses et de notre dette.
Malgré le contexte, plus que jamais, la conférence-action que vous tenez et qui a pu être organisée par Millennia2025 Solidari-Femmes, conserve pleinement sa pertinence, parce que ce n'est pas qu'une affaire de sous. Je remercie bien entendu les organisatrices de la Fondation Millennia2025 Femmes et Innovation de consacrer ainsi toute une journée de congé, un samedi, à mobiliser des énergies. Madame l'Echevine qui me précédait, montrait en tout cas l'importance de cette énergie communicative et incontestablement elle n'en manque pas.
Je me permettrai d'abord de recontextualiser très brièvement le phénomène de la pauvreté féminine et de rappeler aussi les initiatives politiques en la matière, notamment au niveau des familles monoparentales, c'est un élément qui me tient particulièrement à cœur. Et puis, à votre demande, de réagir également à vos travaux et notamment, à votre initiative, de ce fameux Fonds Millennia2025 Solidari-Femmes.
En tant que ministre de l'Egalité des chances et du droit des femmes, des droits des femmes - c'est d'ailleurs la première fois que, dans l'espace francophone, que ce soit la Communauté française ou ici en Wallonie, que cette compétence est explicitement attribuée et ce n'est pas le fruit du hasard -, je ne peux évidement que vous féliciter de procéder à une analyse genrée du phénomène de la précarité. La pauvreté est en effet un phénomène d'abord féminin, mais évidemment pas uniquement féminin. Dans l'imaginaire populaire, subsiste encore trop souvent l'image d'un pauvre comme l'image d'un homme seul, un SDF à la recherche d'un abri de nuit. La pauvreté masculine est visible dans l'imaginaire tandis que la pauvreté féminine est presque cachée. Pourtant, partout dans le monde, les chiffres le rappellent, la pauvreté a un visage d'abord féminin. A l'échelle mondiale, on estime que 70% des pauvres sont des femmes. Et c'est aussi vrai au niveau belge, selon l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Plus de 57% des bénéficiaires d'un revenu d'intégration sociale auprès de nos CPAS sont des femmes. Plus de la moitié des femmes peu qualifiées se situent en-dessous du seuil de pauvreté. Et les femmes retraitées notamment courent cinq fois plus de risques de sombrer dans la pauvreté que les hommes retraités. Près de 60% des femmes ayant droit à une pension reçoivent un montant inférieur à 1.000 euros par mois, alors qu'ils ne sont que deux tiers des hommes à être dans cette situation.
Les familles monoparentales, à mon estime, sont une catégorie aussi à risque qui appelle une réponse spécifique. Cette catégorie de femmes apparaît actuellement comme étant parmi les plus exposées au risque de pauvreté et pour lesquelles je souhaite vraiment mettre en place une politique particulière. Ces femmes qui sont donc à la tête d'une famille monoparentale, ce qui est vrai dans huit cas sur dix. On voit rarement des hommes seuls qui sont chefs de ménage dans le cadre de familles monoparentales, ce sont souvent les femmes. Selon les statistiques officielles, notamment celles du Bureau du Plan, la Belgique compte près d'un demi million de familles monoparentales. 465.000 plus précisément, soit une famille belge sur quatre !
Le chiffre le plus préoccupant est toutefois que, en Wallonie, une famille monoparentale sur deux vit dans la pauvreté. Certaines études tendent aussi à démontrer que les difficultés rencontrées par les femmes dans ce type de familles sont également plus grands que pour les hommes. Les femmes monoparentales courent un risque accru de précarité lié à leur situation sur le marché du travail. Elles sont moins nombreuses à avoir un emploi, un emploi qui en outre est souvent moins bien rémunéré, moins stable et plus souvent à temps partiel.
Autrefois, on a pu croire que la monoparentalité était un modèle familial transitoire, éphémère, avant une presque nécessaire recomposition. On n'a pas, jusqu'à présent, pris suffisamment en compte la monoparentalité comme un modèle de famille à part entière. Vaste débat quant à savoir s'il est choisi ou subi, mails il n'en demeure pas moins que c'est une réalité désormais pour un quart de nos familles.
Au cours de vingt dernières années, le nombre de familles monoparentales a d'ailleurs augmenté de plus de 50%. Autrement dit, les familles, à l'échelle de ces deux dernières décennies, ont évolué dans leur composition à un rythme bien plus soutenu que l'évolution de nos lois et décrets qui, dans une série de cas, sont dépassés et ne prennent pas en compte les réalités du vécu désormais des familles monoparentales. Ce qui, dans certains cas de figure d'ailleurs, les pénalise en ayant un cadre législatif qui crée une discrimination à leur égard, qui les handicape ! Les exemples sont légions, notamment dans le secteur du logement et du logement social.
Lutter contre la précarisation des familles monoparentales et corriger les inégalités de droit à leur égard constitue une demande parmi les plus légitimes, que quelque 725.000 enfants vivent désormais dans ce type de familles. Soit plus d'un enfant sur cinq. Apporter une réponse genrée à la précarité se révèle d'autant plus équitable et efficace que, derrière la pauvreté féminine, il y a aussi bien souvent beaucoup de pauvreté infantile.
Lutter contre la précarité au féminin, c'est casser plus sûrement le cercle vicieux de la pauvreté et c'est s'attaquer à cette pauvreté intergénérationnelle, c'est prévenir la pauvreté de demain, celle des adultes de demain. L'ensemble des acteurs de terrain mais aussi les politiques l'ont actuellement bien compris et j'en veux pour preuve la demande forte des associations de femmes à cet égard, et notamment celle du CWEHF, le Conseil wallon pour l'Egalité des Hommes et des Femmes, qui a demandé à ce que la lutte contre la pauvreté des familles monoparentales soit l'une des politiques prioritaires du Plan wallon de gender mainstreaming que j'ai eu l'occasion de ficeler et de présenter au sein du Parlement le 6 mars dernier.
Pour rappel, comme vous savez, les Résolutions de la Conférence sur le statut des femmes des Nations Unies organisée à Pékin ont prévu, voici tout juste vingt ans, que la dimension de genre soit intégrée dans l'ensemble des politiques. Et la Belgique a été le premier pays au monde à adopter un plan de gender mainstreaming, sous la précédente législature, à l'initiative de ma collègue Joëlle Milquet, et la Wallonie vient de faire de même en mars dernier. Depuis lors, à l'impulsion de mon prédécesseur Madame Tillieux, il est aussi prévu de passer au screening toutes les décisions du gouvernement au travers d'un gender test. J'ai coutume de dire, avec humour et un clin d'œil, que cette application du gender test est désormais à ce point automatique dans tous les cas de figure que le Conseil d'Etat nous a récemment tiré l'oreille parce que nous avions oublié, dans une décision relative à la taxation des pilonnes gsm, de faire l'analyse si oui ou non cela allait avoir un impact différent pour les hommes ou pour les femmes - en l'occurrence probablement pas -, mais c'est dire la rigueur avec laquelle nous devons désormais considérer cet élément également, dans toutes les décisions que le gouvernement wallon prend, au risque sinon de constituer un vice de procédure.
Concrètement, comment lutter contre le risque de précarisation des familles monoparentales ? Dans le cadre de mes compétences, j'ai demandé à procéder à une étude juridique destinée à faire un screening de toute la législation wallonne et fédérale, y compris celle de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour voir où il subsistait des poches de discrimination à l'égard des familles monoparentales, que ce soit en droit du travail, en matière de chômage, de pension alimentaire, en matière fiscale, de logement, en accueil de la petite enfance, et j'en passe. Le but est évidemment, chacun l'aura compris, d'éviter que ces femmes, et ces hommes aussi, à la tête de familles monoparentales soient des citoyens doublement pénalisés, des citoyens de seconde zone. Le chantier est de grande ampleur, il prendra un an et demi : le marché public a été lancé en avril et, actuellement, les universités et les grands cabinets d'audit ont été consultés, on attend leur offre pour procéder à ce travail de fond.
La volonté est aussi de travailler en étroite collaboration avec les acteurs et les associations de terrain. Il a été prévu de mettre sur pieds un Comité d'accompagnement visant à rassembler les associations concernées, par exemple la Ligue des familles, mais aussi les mouvements de femmes, dont le Conseil wallon pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, et d'autres associations luttant contre la pauvreté. Le premier interlocuteur qui me vient à l'esprit est évidemment le Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté, pour pouvoir aussi accompagner ce processus d'analyse et de screening.
Sur la base de cette étude et des éléments qui seront mis en exergue, il nous appartiendra d'apporter des correctifs législatifs ou réglementaires, en tout cas dans le champ des compétences qui sont les miennes au niveau de la Wallonie, et de les suggérer, par voie parlementaire ou gouvernementale ou directement auprès des autres niveaux de pouvoir, de manière à ce qu'il y ait une sorte de droit à l'évolution des familles et que l'on ne doive pas être pénalisés quant à la configuration familiale que l'on a choisie ou que l'on subit.
A la faveur de la dernière réforme de l'Etat et de nouveaux transferts de compétences, qui ont un impact notamment sur la situation des familles monoparentales et des familles à faibles revenus, c'est donc l'ensemble du gouvernement wallon qui a fait le choix d'une plus grande justice sociale et d'une analyse genrée de ses politiques. J'ai déjà évoqué le Plan de gender mainstreaming. Le ministre-président Paul Magnette s'est également engagé à intégrer la dimension du genre dans la lutte contre la pauvreté puisqu'il a cette compétence transversale. Le ministre du Logement Paul Furlan s'est engagé à créer davantage de logements de qualité et à mettre en œuvre une politique sociale du logement, facilitant aussi l'accès au logement public des familles monoparentales. Cela d'autant qu'on le sait tous maintenant, avec les gardes alternées, que si vous avez deux enfants vous devez obligatoirement prétendre à un logement social qui offre au moins trois chambres, mais vous êtes donc placés directement dans les files les plus longues, puisque le parc immobilier public dispose de peu de logements à trois, quatre ou encore moins davantage de chambres.
Il faut donc prendre aussi ces choses en considération pour ne pas créer de pénalités excessives, le mieux étant l'ennemi du bien. Souvenons-nous que, depuis l'affaire Dutroux, il avait en plus été exigé que, passé un certain âge, les enfants de sexe différent ont aussi l'obligation d'être dans des chambres différentes, notamment. C'est probablement très louable dans la démarche intellectuelle, mais ne négligeons pas la pénalisation que cela représente pour les familles les plus précarisées à accéder au logement public qui soit conforme à leurs besoins. Souvent, les familles qui sont dans ces situations nous disent "je suis d'accord d'avoir moins de chambres, mais si déjà on sait s'organiser d'une certaine manière, cela pourrait aider". Aujourd'hui l'application souvent assez stricte et radicale des critères ne facilite pas ces situations. La ministre de l'Emploi, Madame Tillieux, s'est aussi engagée à soutenir l'information des travailleuses et des travailleurs, notamment en titres-services.
En ce qui concerne l'initiative Millennia2025 Solidari-Femmes et la conférence-action de ce jour, je ne peux évidemment qu'encourager et saluer les initiatives qui ambitionnent l'autonomie des personnes précarisées. Je salue particulièrement le fait que cette initiative émane du privé, du privé associatif, de ce terreau si fertile dont l'inventivité, l'innovation et la créativité n'ont d'égales que l'enthousiasme et le dynamisme. Je remarque également à quel point la problématique a été finement cernée, ce qui est toujours une condition essentielle à la mise en place de solutions efficaces.
Cette idée de fonds de solidarité alimenté, si j'ai bien compris, en grande partie par les fournisseurs de biens et services est un challenge qui pourrait effectivement fournir une réponse à ce phénomène de déprivatisation matérielle dont les sociologues parlent tant à propos des familles monoparentales. Ce phénomène qui pousse les familles monoparentales à se priver spontanément, d'elles-mêmes, d'une série de choses pourtant nécessaires. Les biens et les services arrivent évidemment en tête : on se prive de chauffage même si le logement est humide voire quasi insalubre, on évite d'aller chez le médecin, on reste chez soi pour ne pas avoir à payer le bus ou le train, on n'a évidemment plus d'ordinateur chez soi et parfois encore moins d'internet, et donc cette déprivatisation entraîne ou accélère un phénomène d'isolement, une fracture numérique, voire une exclusion de la vie en société qui, à bien des égards, ne permet plus une vie digne. Et cette situation compromet alors les chances de réinsertion socio-économique et socio-professionnelle de la personne et de sa famille.
Je vous félicite aussi et je vous rejoins totalement dans l'identification des publics cible, et donc des bénéficiaires de ce fonds. Les familles et particulièrement les femmes monoparentales dont je viens de parler longuement, les femmes âgées que j'ai également évoquées en introduction, les femmes migrantes ou d'origine immigrée et les femmes en situation de handicap. Autant de groupes de femmes qui souffrent en fait d'une double discrimination.
En tant que ministre de l'Egalité des chances et des droits des femmes, je peux contribuer à soutenir modestement, dans le cadre des moyens disponibles, une initiative qui se veut essentiellement privée mais à large fondement associatif évidemment. En outre, vous avez tout mon soutien pour ce fonds que vous envisagez en quelque sorte comme une sorte de Cap 48 sur le long terme à destination des familles monoparentales.
Si je peux me permettre quelques suggestions, comme vous me demandez mon avis, je pense toutefois qu'il faudrait être attentifs à deux points : je reste fondamentalement persuadé que ce dont l'être humain a avant tout besoin c'est de la dignité et du respect. Et, à mon sens, ce fonds doit être un fonds d'entraide qui donne un coup de pouce vers plus d'autonomie, en évitant le travers d'un enlisement possible dans une forme de dépendance perpétuelle ou d'assistanat. En outre, et c'est mon deuxième commentaire, toute aide financière suppose aussi des critères d'attribution et un certain contrôle. Je suis assez interpellé par les voix qui s'élèvent du monde associatif, comme celle entre autres de Christine Mahy, du Réseau wallon contre la Pauvreté, qui mettent en évidence le fait que les personnes précarisées peuvent en arriver à fuir les dispositifs d'aide tant les contrôles, les justificatifs peuvent être pesants, tant la transparence totale qui est demandée aux personnes en difficulté sur l'organisation de leur vie peut être ou non acceptée, dans le cadre d'aides qui sont proposées.
Comment éviter ce biais ? Je suis sûr que c'est une question à laquelle vous trouverez une juste réponse tant je vois d'ailleurs ici, et j'ai pu les entendre, des forces de mobilisation créatrices.
Je souhaite donc vraiment bonne chance à Millennia2025 Solidari-Femmes, je vous remercie de m'y avoir convié, en plus dans une ville magnifique ! Je voudrais terminer évidemment en vous disant à quel point je souscris à la déclaration de Madame Irina Bokova, la Directrice générale de l'UNESCO, dans son intervention lors du lancement de votre Plan d'action pour l'autonomisation des femmes de Millennia2015, qui s'est donc tenu à Paris en 2012 (www.millennia2015.org/unesco_2012_actes) : je suis en effet persuadé comme elle, et je la cite, que "l'égalité des genres profite à tout le monde et pas seulement aux femmes. C'est un accélérateur des transformations politiques, économiques et sociales qui décuple les forces".
Et c'est pour cela, et je vous le répète, que vous avez tous mes encouragements et mes félicitations. Merci pour votre attention.
> Vidéo
Photos : Julien Destatte (c) Millennia2025 Women and Innovation Foundation
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