> Millennia2025 Solidaty-Women

Concrete action and international conference, University of Namur

Millennia2025 Women and Innovation Foundation + The Destree Institute

 

> 05. Proceedings

1ère session d'action :

Femmes en lutte contre la pauvreté et les associations qui les représentent

Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité

 

Albine Quisenaire

Vice-présidente du Conseil des Femmes francophones de Belgique; Présidente, Maison plurielle asbl; Coordinatrice provinciale "Lutte contre les violences", Province de Hainaut, Charleroi

Extraits 

 

Experte dans le domaine des violences faites aux femmes, je vais orienter ma prise de parole pour faire le lien entre la façon dont la société patriarcale organise la dépendance des femmes ainsi qu'un terreau pour justifier les violences faites aux femmes ainsi que l'impunité des agresseurs. J'avais envie de partir de mon vécu de femme car on développe une expertise comme toutes les femmes que l'on rencontre dans nos espaces. 

 

J'ai grandi comme beaucoup de femmes avec cette illusion que tout était possible pour moi, si je m'en donnais la peine. J'ai des souvenirs de plein de choses qui m'étaient refusées parce que j'étais une fille mais je ne comprenais pas alors toute la portée sociétale de ces refus. Comme ce que je faisais était de ma responsabilité, chaque échec faisait perdre mon estime, chaque violence au sein de ma famille, chaque humiliation à l'école était ma responsabilité, et rendait tout mon chemin de vie beaucoup plus compliqué et sinueux. Cela m'a demandé de mettre en place des mécanismes de survie, ce qui est le lot de beaucoup de femmes. 

 

Les rêves d'avenir sont différents selon chaque jeune fille mais souvent bâtis sur les espoirs mis dans la famille, dans la vie de couple et dans l'amour de l'un pour l'autre. Pour ma part, j'ai essayé de jongler entre ma vie de femme, ma vie professionnelle, ma vie de mère, ma vie d'épouse, ma vie politique, pour finir par m'épuiser et divorcer. Et je passe sur les détails des violences au sein du couple dont sont victimes une femme sur quatre. Beaucoup de parcours de femmes se bâtissent sur les illusions d'égalité, de "tout est possible" et surtout de toute la responsabilité que l'on fait porter sur le dos des femmes.  

J'ai fait du chemin et j'en suis sortie grâce notamment à tous les réseaux de femmes. Je travaille dans le domaine des violences faites aux femmes, de l'égalité et j'ai eu la chance d'avoir des espaces très sécurisés pour déconstruire tout ce qui m'avait été appris depuis mon enfance. Le choc a été dur.     

 

J'avais envie de partager avec vous ces différentes évidences qui m'ont permis de déconstruire tout le monde dans lequel je vivais et de me donner les moyens de réinventer autre chose pour moi, pour me sentir bien, là où je vie, dans ma société.

 

La première évidence a été de constater que nous, femmes, étions une classe d'opprimées. Elle a nourri en moi une rage incommensurable et m'a permis de trouver plein d'énergie. J'ai découvert comment on nous orientait vers un modèle de vie en couple, intéressant fiscalement mais qui nous fait assumer toutes les obligations de la vie à deux. J'ai accompagné ces femmes qui se sont retrouvées seules avec des enfants, avec un emploi à temps partiel. Je pense que l'organisation de cette précarisation, de ces familles monoparentales est aussi un moyen de nous faire peur, à nous les femmes, et de nous empêcher de sortir de cette vie de couple.  

 

Je me suis rendu compte que tout ce système organisait la violence au sein des couples. Quand on paie à deux, quand on profite d'une certaine aisance au quotidien, c'est beaucoup plus difficile pour les femmes de songer à quitter un compagnon et cela permet aussi à des hommes d'asseoir leur pouvoir de domination. Cela commence par des petites choses : violences verbales, psychologiques et, quand l'emprise est bien installée, on peut y aller à coups de violences physiques et sexuelles. Et, rappelons-le, cela concerne une femme sur quatre. 

 

En accompagnant toutes ces femmes qui étaient victimes de violences, je me suis rendu compte de l'impunité qui était organisée dans notre société : aller porter plainte quand on est victime de violences, ce n'est pas une mince affaire, d'autant plus quand on est victime de violences conjugales. Peu de ces agresseurs sont punis : à peine 15%. Pour viol, c'est moins de 10%. Et donc pour moi c'était une évidence : notre société organisait et s'accaparait le corps des femmes pour pouvoir exercer dessus toutes les violences.   

 

En continuant à déconstruire, j'ai compris comment la société avait inversé et changé tous nos rêves en illusions. On peut se sentir très seule face à ce grand désespoir, le tout est donc de retrouver de l'espoir. Moi, j'ai retrouvé de l'espoir dans les réseaux, dans les réseaux de femmes, dans la sororité, dans la solidarité entre les femmes. C'est ce que je peux voir pour toutes les femmes qu'on accompagne. Avoir la possibilité de réseauter, de s'octroyer des espaces de non mixité, c'est une source d'espoir et d'énergie pour toutes les femmes. 

 

Je pense vraiment que ces espaces de solidarité doivent être des espaces où il n'y a pas de compromis avec ce la réalité. C'est important de dire les choses comme elles sont, d'appeler violence "violence". De pouvoir expliquer c'est quoi la mise sous emprise, de pouvoir expliquer tous les outils qui sont mis en place par l'agresseur pour faire taire les femmes, pour leur faire porter une honte qu'elles n'ont pas à porter. De pouvoir dénoncer aussi le système patriarcal, par qui il est mis en place, pour qui et pour qui en découlent tous les avantages. Ces espaces, c'est là-dessus que se portent le réseau de Millennia2025, celui du Conseil des Femmes francophones de Belgique, ceux des associations féministes qui accompagnent les femmes au jour le jour, et sur lesquels je place tout mon espoir et toute mon énergie.  

 

> Vidéo

Photos : Julien Destatte (c) Millennia2025 Women and Innovation Foundation

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