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1ère session d'action :
Femmes en lutte contre la pauvreté et les associations qui les représentent
Créativité => Solidarité => Innovation => Action => Egalité
Christine Mahy
Secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, Namur
Extraits
Sur la déconstruction des politiques structurelles actuelles qui appauvrissent les ménages telles que Philippe Defeyt les a citées, je fais fois dix, sur l'hypocrisie politique du morcellement, qui consiste à faire des catégories pour essayer de faire un petit peu quelque chose quelque part et donner l'impression qu'on agit sur l'ensemble du système, je ne peux que signer à vingt-cinq mains : s'occuper de la pauvreté des enfants ou des femmes, seules ou en situation de monoparentalité, etc, cela veut dire que l'on va faire des petites choses mais qui ne vont absolument pas améliorer définitivement les conditions de vie des gens vers une émancipation, une liberté et une capacité d'assumer sa vie raisonnablement pour celles qui sont en grande pauvreté.
Je vais me focaliser sur trois petites portes d'entrée pour parler de la pauvreté en général mais en rapport avec les femmes de façon particulière. Ce sont des portes d'entrée pour réfléchir à la manière de construire un dispositif.
Le premier élément que je voudrais évoquer c'est que, au Réseau wallon, les gens viennent militer et ce sont des personnes qui connaissent la pauvreté, et beaucoup de femmes parmi ces personnes.
Elles nous parlent de la pauvreté en disant que c'est une privation d'accès et d'usage à une série de richesses : richesses matérielles, le coût du loyer, etc, donc le portefeuille n'est pas assez fourni pour pouvoir assumer le quotidien, et pourtant elles nous disent la combativité qu'elles ont à calculer bien mieux que ceux qui ont beaucoup d'argent, puisque si elles ne calculaient très bien elles ne termineraient jamais le mois.
Elles nous parlent de la pauvreté immatérielle, avec deux grands secteurs : l'accès à la culture mais surtout pourquoi l'enseignement rate-t-il avec mes enfants, pourquoi l'enseignement rate-t-il avec moi, pourquoi le parcours ne se passe pas bien ? Vous avez bien vu que la question est inversée, ce n'est pas pourquoi leurs enfants et elles ont raté à l'école mais bien pourquoi l'école rate avec elles. C'est une question essentielle. On sait pourtant aujourd'hui que les filles réussissent mieux à l'école que les garçons, mais malgré le fait qu'elles vont très loin dans les études, ce n'est pas nécessairement elles qui ont les postes à responsabilité à l'issue. Il y a plein d'enfants, dont des filles, qui se font écarter très tôt dans le parcours scolaire de réussite.
Elles nous parlent de pauvreté naturelle, le rapport à l'environnement, dans quel logement vit-on, dans un quartier avec espace pour les enfants, etc. Elles nous parlent de pauvreté relationnelle : a-t-on une famille avec un tissu relationnel nourri, etc. Il y a une addition de ces éléments-là.
Les gens nous parlent d'un empêchement d'accès aux richesses privées, individuelles, au respect de la vie privée. Ils nous parlent beaucoup de l'intrusion dans leur vie privée au nom du fait qu'ils sont dans le trop peu pour exister, au nom du fait qu'ils doivent avoir recours à des systèmes de solidarité publique, notamment en cas d'aide financière à la clé dans le système de solidarité publique. Ils disent que leur vie privée est bousculée. On ne sait plus former ni défaire un couple comme on veut, on doit expliquer comment on vit en permanence, on doit prouver notre pauvreté, on doit s'expliquer sur comment on se nourrit, comment on se déplace...
Les gens en situation de pauvreté se sentent déprivés de l'essai et erreur de la vie, de pouvoir encore faire des choix en autonomie. Ils se sentent disqualifiés par la manière dont ils sont appréhendés auprès de certains services, ils se sentent perçus comme une personne uniquement dans la pauvreté n'ayant pas d'autre compétence que celle-là, et donc vus comme nécessairement et uniquement en devoir de gérer simplement la matérialité du quotidien. La vie d'une personne pauvre aujourd'hui et des femmes en particulier serait réussie si elles n'ont plus de problème à payer le loyer, la nourriture, le chauffage etc, point à la ligne. Or elles disent, et ils disent, nous sommes autre chose que simplement un espèce d'objet qui doit matériellement traverser la vie, nous sommes un sujet qui devrait avoir des aspirations.
J'insiste sur cette part-là parce que, dans des propositions et des projets, des pistes et des perspectives, il est fondamental d'écouter ça. Parce qu'il est fondamental que n'importe quel dispositif qui se crée, public, privé ou dans leur complémentarité, s'il ne respecte pas cela, il fera violence aux gens et les gens n'y auront recours que par absolue nécessité de survie pour ne pas mourir. Mais, sinon, ils n'iront pas parce qu'ils ne sentiront pas le processus d'émancipation et le processus libre qu'il y a derrière, c'est-à-dire l'intention que les gens soient aidés pour que, pendant et après, ils n'aient pas à s'expliquer tout le temps sur la manière dont ils traversent la vie.
Les gens sont aussi tout à fait conscients du fait qu'il y a une richesse à laquelle ils ont de moins en moins accès : accès à la sécurité sociale, à la sécurité collective. Les gens voient bien aujourd'hui qu'on recule, qu'ils se font exclure du chômage, qu'il existe très peu de travail peu qualifié et donc qu'ils sont confinés à du temps partiel avec les sanctions du Forem sur les compléments, etc. Ils voient qu'il y a une perte sur ces richesses-là aussi.
Le deuxième élément que je voulais évoquer, c'est qu'on dit souvent que les femmes subissent une double peine : aller travailler et toute la charge du ménage. On raisonne et on se dit que maintenant les femmes subissent une quintuple peine : la peine d'aller travailler et d'assumer son ménage, mais éventuellement de ne pas aller travailler, d'être chômeuse, en formation, de devoir aller négocier avec le CPAS, etc. Il faut savoir qu'être dans la pauvreté et devoir avoir recours à toutes les débrouillardises, cela demande énormément de temps, d'énergie physique, d'énergie mentale, et donc cela use terriblement. On vide ses forces là-dedans. Croire que les gens qui ne sont pas au travail et qui dépendent de l'argent collectif pour pouvoir exister seraient en dilettante en train d'attendre n'est pas juste : ils sont souvent en hyper activité qui leur mange l'énergie psychologique, affective et qui les affaiblit sur le fond.
Donc, première peine, on travaille ou on ne travaille pas si on est dans la pauvreté; deuxième peine, gérer le ménage en fonction aussi du modèle culturel et il y a encore beaucoup à faire. Beaucoup de femmes assument encore la totalité des tâches ménagères, quand elles ne sont pas empêchées de pouvoir aller vers d'autres choses.
N'oublions pas que, quand on est dans la pauvreté, on a beaucoup plus de papiers à faire que les autres, de demandes, de négociations, parce qu'on ne sait pas payer, qu'on doit aller s'expliquer, etc. Et c'est la femme qui assume ça pour les enfants, c'est la femme qui va aller au front à l'école parce qu'on ne sait pas payer ou que l'enfant rate. C'est la femme qui, après une visite médicale, va être inquiète parce qu'elle ne sait pas comment elle va payer les lunettes ou le traitement, etc. La femme a non seulement la charge de la famille mais c'est elle qui, en général, devra gérer toutes les négociations difficiles, beaucoup plus que les hommes.
Une troisième peine très importante, c'est l'ingénierie pour s'en tirer. C'est en général la femme, en situation de monoparentalité ou même dans un couple, qui va inventer les trucs et ficelles pour s'en tirer.
Une quatrième peine l'hyperconditionnalité et la déprivation de la vie privée. Et la cinquième peine, c'est la culpabilité des mères, qui se disent : je vois que je suis en train d'éteindre les rêves de mes enfants si je n'arrive pas matériellement à organiser ma vie de telle façon qu'ils puissent encore avoir des rêves. C'est très important.
Dans n'importe quel dispositif que vous allez enclencher, une des conditions de la réussite c'est d'associer les gens dans une participation intime à la définition des processus qui sont mis en place. S'ils ne sont pas construits avec les gens en tenant compte notamment de ces particularités, ce sera problématique et il risque d'y avoir un échec comme pour d'autres qui ont déjà essayé. Bon travail !
> Vidéo
Photos : Julien Destatte (c) Millennia2025 Women and Innovation Foundation
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